Vous écoutez Déferlante, podcast provocateur... de plaisir L'épisode de ce soir est la suite de "La rebelle" que vous avez tant aimé. Pas la peine de vous cacher, les statistiques parlent à votre place. Je suis heureuse de vous retrouver. Dans cet épisode, pas de mots-obligés. J'en ai plusieurs en attente, mais ils devront attendre encore. D'accord, vous avez le droit de me donner un gage. Mais je vous préviens, je prendrai ma revanche. (rire) Bon, allons-y pour ce nouvel épisode. *** Plusieurs dimanches d’affilée, La Comtesse revint déjeuner à sa table habituelle. Sans jamais revoir la Rebelle, ni son amoureux Merlan Frit. Mi-octobre, à bout de patience, elle posa la question à André, d'une voix aussi neutre que possible: - André, vous souvenez-vous de la jeune femme d’il y a quelques semaines, celle avec le tatouage? Elle était assise à cette table, à gauche. - Celle qui voulait se servir toute seule de vin? Ah, oui, comment l’oublier? Plutôt singulière, j’ai pensé. - Savez-vous s’il est possible de la retrouver, elle a perdu un document que j’aimerais lui rendre. - Ah, non, Madame, elle n’est plus jamais revenue. Et Monsieur son Père non plus! répondit-il en rougissant. Une seconde plus tard, ils éclataient de rire tous les deux. Confiant, André ajouta : - Je crois savoir qu’elle était Belge et qu’elle a logé ici, à l’hôtel. Je pourrais me renseigner à la réception, si vous avez un peu de temps. - Ah très bien, alors apportez-moi un thé vert, du Sencha, l’addition aussi... et renseignez-vous alors. Elle adorait leur Sencha qui venait directement du Japon et qui laissait en bouche un arrière goût de riz soufflé. La couleur était d’un vert limpide, on aurait dit du jade liquide dans la tasse en porcelaine blanche. (hmm) Quelque minutes plus tard, André revenait, avec un sourire victorieux. - Oui, elle a logé chez nous, j’ai son nom et son adresse de mail, si vous voulez l’avertir pour le document. D’une main légèrement tremblante, elle prit le bout de papier qu’André lui tendait. -Oh, merci bien André, vous êtes sacrément efficace. Il faut savoir qu’André adorait les compliments. Et les pourboires, aussi. Dehors, un petit vent froid vint fouetter ses joues. déjà rougies d'excitation. Sa main droite, cachée dans la poche du manteau, serrait sans chiffonner le bout de papier. Il commençait à faire sombre de plus en plus tôt. Mais là, encore plus, un orage se préparait au large. Le ciel semblait descendre sur le port. Dans quelque minutes seulement, elle pourra s’asseoir sur son banc préféré et jeter enfin un coup d’œil au papier apporté par André. Ce n’est qu’en voyant le tremblement de ses mains qu’elle comprit. Elle irait au bout du monde, pour la retrouver, cette Rebelle. Qui s’appelait... Nona. Nona Moretti. Les premières gouttes se mirent à tomber dru, sans prévenir. Elle sursauta, le papier allait être trempé, illisible. Elle le cacha alors dans sa poche, avant de relever le col de son manteau, pour se diriger d’un pas rapide vers la maison. Il y avait déjà des flaques par terre, elle sautilla pour les éviter. Puis, elle s’arrêta net, leva les yeux vers le ciel grondant, laissa les gouttes rafraîchir son visage empourpré et ensuite, bim! Elle sauta à pieds joints dans une grosse flaque. Et tant pis pour ses mocassins Gucci, elle était trop heureuse. Joie, impatience, et coeur léger. Une fois rentrée, elle alluma le feu dans la cheminée et des lumières tamisées un peu partout dans le salon. Il faisait noir avant l'heure. Elle se versa un verre de vin rouge, mit du Callas, sécha ses cheveux avec une serviette et se mit carrément en pyjama. Hmm, la soie caressante sur sa peau. Assise, jambes en lotus sur le canapé, la tablette sur les genoux, elle commença ses recherches. Sur Google, elle tapa: Nona Moretti Belgique. Des trucs, des trucs, des trucs et puis... là! Un article de journal, non... un magazine d'art. Une interview, avec une photo, c'était Nona, elle la reconnut de suite. L'article parlait du quartier du Sablon à Bruxelles, apparemment fameux pour ses galeries d'art. Nona y tenait une toute petite galerie, peinture. Elle avait du goût et un regard très bleu. - C'est loin, Bruxelles, pensa-t-elle rêveuse. De fil en aiguille, elle finit par trouver non seulement son email (qu'elle avait déjà) mais aussi son numéro de téléphone. Si elle le voulait, elle pouvait l'appeler. Pour quoi faire...? Elle leva les yeux. Figée sur la toile, de dos, une jeune femme Rebelle contemplait la mer calme, baignée par une immense lune argentée. Pour... lui acheter une toile? Non, mieux encore, pour lui en proposer. Au fil des jours, elle se berça d'une rencontre imaginaire. de dialogues doux et tendres. De scènes improbables, où elle allait s'approcher doucement pour l'embrasser. Ou peut-être juste caresser sa mèche rebelle, retombée sur son épaule. Dans ses rêves les plus fous, elle lui demandait de poser entièrement nue, Assise sur ses genoux, comme pour une prière, de dos, les bras relevés au-dessus de la tête, en train de faire ou défaire son chignon, façon chat qui s'étire. Ou alors, assise à califourchon, toujours de dos, bras tendus, coudes posés sur le dossier de la chaise en bois. Dos cambré, tête rejetée légèrement en arrière. façon guépard, prêt à bondir sur sa proie. Une chainette dorée qui descend le long du dos presque invisible à l'oeil nu. Mais sur la toile, juste des éclats étincelants, par ci, par là, le long du dos. Chaque pose ainsi imaginée, rêvée, désirée prenait ensuite vie sous ses pinceaux. et devenait réelle sur la toile. Début décembre, elle avait déjà une belle collection de toiles qui racontaient toutes la même histoire. Celle d'un désir qui prend son temps, qui s'étire, qui s'allonge, qui se tend en arc, avant de faire corps avec sa flèche. Un beau matin, elle demanda à Monsieur le Comte si elle pouvait utiliser la limousine pour se rendre à Bruxelles. Un peu plus de 800 km en ligne droite. Comme une flèche vers le Nord. Fidèle à sa distinction froide, Monsieur le Comte ne se fit pas prier et lui proposa même les services de Paul, leur... euh... son chauffeur. Dieu merci! Elle n'avait pas envie de faire cette route toute seule. Départ prévu le 20 décembre au matin. Elle prit ses dispositions. Elle appela Nicolas, son ami Lieutenant-colonel De la Rosière, qui travaillait à l'Otan et vivait depuis longtemps à Bruxelles. Ravi d'entendre sa voix au bout du fil, il lui conseilla de loger au Steigenberger Wiltcher's. - C'est un 5 étoiles très bien placé, élégant sans être tape à l'oeil. Le Directeur, Michel Cottray est un ami, je m'occupe de votre réservation. J'espère avoir le plaisir de vous inviter à diner un soir pendant votre séjour bruxellois. Tout était fin prêt pour le départ. Ses toiles allaient s'entasser à l'arrière de la voiture. Et pour une fois, elle allait voyager devant, aux côtés de Paul. Qui avait toujours le chic de ne mettre que de la bonne musique. Une fois arrivée à Bruxelles, installée à l'hôtel, elle aima de suite l'endroit. Les toiles avaient été soigneusement montées et rangées dans sa chambre, et recouvertes d'une sorte de drap blanc. Comme un trésor à l'abri de regards indiscrets. Seule, sa toute première toile trônait sur la cheminée. Le lendemain début d'après-midi, sans prendre rdv elle s'en alla visiter la galerie Moretti. Il faisait froid, humide, mais... il y avait un rayon de soleil qui embellissait la ville grise. Paul la déposa juste devant la galerie. Son coeur était assourdissant dans sa poitrine. Nona fumait dehors, assise sur un très beau banc en bois sculpté. Elle se laissait caresser par le soleil, les yeux fermés. La Comtesse hésita, elle n'avait pas envie de gâcher ce tableau. Immobile, elle regardait la jeune femme en pensant: - Elle n'est pas si Rebelle que ça, finalement! Le téléphone de Nona se mit à sonner, le tableau jusque là immobile s'anima soudainement. La Comtesse s'avança vers la porte d'entrée de la galerie. La jeune femme lui fit signe d'entrer, avant d'ajouter "j'en ai pour 2 minutes" A l'intérieur, des toiles... tout en géométrie. Simples, parfaites, colorées, mais trompeuses. A bien y regarder, chaque géométrie semblait s'enrouler sur elle-même pour ramener le regard au point de départ. Astucieux. Quand Nona entra dans la galerie à son tour, la Comtesse eût envie de fuir comme une voleuse. Mais elle resta là, digne, prétendument plongée dans l'admiration des tableaux sur les murs. - Je peux vous offrir un thé? demanda la jeune femme. - Avec plaisir, s'il est vert. - Je n'ai que du Sencha japonais, si vous aimez. La Comtesse se retourna alors, visage souriant. - Ah, à vrai dire, je ne bois que du Sencha. - Comment vous les trouvez, ces toiles? - Enigmatiques, elles vous ressemblent. (rire) - C'est le plus joli compliment qu'on ait pu me faire depuis un bon moment. Venez, on va s'asseoir sur le banc dehors. Tant qu'il y a encore du soleil. Assises l'une à côté de l'autre, le silence n'était pas gênant. Juste là, entre les deux, un peu épais, réchauffé par le thé. Un silence innocent, à peine alangui au soleil. - Vous êtes Française, alors! - Oui, enfin... plutôt Bretonne. - Et que faites-vous à Bruxelles? - Je suis venue vous voir, euh... voir votre galerie. - Mais pourquoi j'ai l'impression de vous connaître? Vous êtes célèbre? - Non, pas tellement. Plutôt noble et riche. - Noble? Noble comment? - Comtesse. - Et riche, riche comment? - A millions. - Personne n'est parfait, vous savez! L'éclat de rire partit tout seul, on aurait dit des clochettes argentées de Noël. Elle était belle, quand elle riait aux éclats. - Et dites-moi, Madame Noble et Riche, que puis-je faire pour vous? - Diner avec moi ce soir? Et je vous expliquerai. - Euhh, j'avais un truc, mais... je peux annuler. Je vais annuler. - Excellent alors. 19h? "La canne en ville", vous connaissez? - Non, pas vraiment, mais je trouverai. De retour à son hôtel, elle eût enfin la tête qui tourne. Mais quelle folie, tout cela ne rime à rien. Cette jeune femme avait sa vie ici, sa galerie, un bataillon d'admirateurs sûrement. Mais surtout: il n'y avait aucune baguette magique pour effacer les 800 km et les 15 ans de différence d'âge. Elle alla faire quelque longueurs à la piscine de l'hôtel. Puis, elle passa du temps au spa. Elle adorait le sauna. frictionné avec de la glace pillée, le corps finit par se détendre, l'esprit aussi. Le restaurant "La canne en ville" se trouvait à deux pas de l'hôtel. Il avait gagné une étoile et le chef, Kevin Lejeune, était tombé dans la marmite à l'adolescence. Fine cuisine, sans inutiles prétentions. Elle n'était pas fébrile à l'idée du repas. Le repas se passera bien. C'est pour après le diner qu'elle avait des craintes. - Une chose à la fois, s'encouragea-t-elle. A son arrivée au restaurant, Nona était déjà là. Assise à leur table. De dos, elle était belle. Tout à coup, incertaine de sa démarche, La Comtesse faillit faire demi-tour. Nona tourna la tête vers elle, c'était trop tard. Elle avança alors jusqu'à la table. Elle n'eût pas le temps de se décider entre lui serrer la main ou ne rien faire? Nona l'embrassa sur la joue, avant de se rassoir. C'est drôle, comment cette bretelle tenait à peine sur son épaule. Des grains de beauté sous la clavicule. Une peau blanche, qui gardait vaguement le souvenir de l'été. Beaucoup de bracelets aux deux poignets. Comme pour attirer le regard et faire diversion. Des mains fines, aux mouvements vifs. Elles seraient si belles au repos, sur une toile. A la première gorgée de vin blanc, La Comtesse eût l'impression d'être le taureau lâché dans l'arène et qu'on lui agitait un drapeau rouge devant les yeux. Elle disait poliment "oui, très bien" à tout ce que le maître d'hôtel lui proposait. Elle prit son mal en patience. - Vous auriez dû m'avertir que c'était un restaurant gastronomique. - Ah bon, pourquoi cela? - Je préfère les éviter, dernièrement. Je les trouve trop guindés. Même si on y mange très bien. - Oh, une mauvaise expérience? - Oui et non, disons que la dernière fois, ça aurait pu mieux se passer. La Comtesse pensa encore: mais comment fait-elle pour faire tomber cette bretelle? On déposa les entrées sur la table. Ca faisait envie, c'était beau. Nona finit par demander: - Alors, dites-moi, Madame Noble et Riche, pourquoi êtes-vous venue à Bruxelles exactement? - Je suis peintre. Et vous avez une galerie. - (petit rire) Ah bon, vous voulez exposer chez moi, c'est ça? - Oui, c'est ça! - Mais vous avez déjà exposé quelque part? - Oui, Un peu partout, Rome, Paris, Barcelone, New York, mais c'était il y a 30 ans. - Ah bon, mais que s'est-il passé depuis? - Euh, il s'est passé la vie: je suis tombée amoureuse, je me suis mariée, j'ai fait des enfants, j'ai arrêté de peindre et un jour, j'ai eu 50 ans. Assises l'une en face de l'autre, le silence n'était pas gênant. Juste là, entre les deux, un peu épais, bercé par la musique du restaurant. Un silence que les mots n'avaient pas besoin de troubler. Nona fit signe alors au serveur. - Oui, Madame? - Vous permettez que je me serve toute seule du vin? - Mais bien sûr, je vous en prie, Madame. La Comtesse éclata de rire. - Vous êtes un phénomène, vraiment! - Ah, mais, en vous regardant ainsi, dans le silence, je me suis souvenue de vous. Vous étiez à la table juste à côté de la nôtre. Comme assise sur des aiguilles. Ce soir, je ne voulais pas vous embarrasser. Dire que la Comtesse avait rougi de la tête aux pieds ce serait mentir. Elle avait rougi bien plus que ça! Etait-ce le vin? Le fait que Nona l'avait remarquée ce soir-là? Ou qu'elle avait voulu ce soir lui épargner un embarras? C'était tout cela, et bien plus encore. Et à partir de là, la soirée fut carrément glissante. De toutes les manières possibles. Les petits mots qu'on se glisse en confidence à l'oreille. Le vin qui chatouille les papilles avant de glisser réchauffant vers le ventre. Les jambes qui glissent discrètement l'une contre l'autre, en dessous de la table. Et les éclats de rire, qui troublent le regard, juste avant que celui-ci ne vienne glisser caressant, contre la peau. Pour finir, elle prirent un dessert avec deux cuillères. C'était plus chaleureux ainsi. Plus naturel. Pas une fois la Comtesse n'avait osé relever cette fichue bretelle. Ni toucher la mèche rebelle qui venait embellir la ligne gracieuse du cou de Nona. Rien de tout cela. Mais sa mémoire photographique avait enregistré chaque détail, chaque millimètre de douceur. Pour plus tard. Quand elle sera enfin seule, avec ses pinceaux. En sortant du restaurant, Nona demanda: - Vous logez où? - Ici, tout près, au Wiltcher's. - L'ancien Conrad, là où Clinton était venu? Il paraît que c'est bien. - C'est pas mal, vous voulez voir? Venez, on va prendre un dernier verre au bar. La Comtesse prit Nona par la main. Le voiturier les salua en souriant: - Mesdames, bonsoir! Il y avait des lumières partout, Noël était au coin de la rue. La Place Stéphanie avait un charme très carte postale. Avec son sapin figuratif, totalement désarticulé, sûrement une autre oeuvre d'un artiste en mal de reconnaissance. Ou d'inspiration. En passant devant la réception, Nona lui serra doucement la main. La Comtesse s'arrêta. - Ah, vous avez changé d'avis? - Non pas du tout, mais je préfère le boire dans votre chambre, ce dernier verre. (pause) - Vous avez raison, venez. Les deux femmes se retrouvèrent dans l'ascenseur. Imaginez deux tam-tam. Chacun sur sa colline, leur rythme est différent. Et pourtant, d'une certaine façon, les échos se complètent. S'arrondissent, les uns les autres. S'entre-mêlent pour inventer un autre rythme, bien plus riche. Leurs deux coeurs, dans cet ascenseur, étaient des tam-tam. La Comtesse ouvrit la porte de sa suite et la laissa passer. Nona enleva directement ses boots, laissa tomber son manteau, ensuite son chandail, éparpillés par terre, comme des pierres blanches pour l'aider à retrouver plus tard son chemin vers la sortie. Elle alla s'asseoir dans le canapé, en soulevant sa robe. La Comtesse vit ses jambes habillées d'un collant noir à motif léopard. Espiègle et souriante, Nona croisa les jambes, en lotus. Mais là... ainsi assise, son regard découvrit la toile posée sur la cheminée. Qu'elle scruta longuement. Sans rien dire. Peut-être juste les yeux légèrement embrumés? Le tam-tam dans sa poitrine plus fort? Même pas sûr. Au bout d'un moment, La Comtesse lui tendit une tasse de thé. puis, elle vint s'asseoir aussi sur le canapé. On entendait juste les coeurs s'accorder dans leurs battements et le cric-crac du biscuit que La Comtesse mangeait, en croquant d'abord les coins. Les mains serrées autour de la tasse de thé, enfin, Nona parla: - Mais c'est moi, sur la toile. La Comtesse ne répondit rien, elle croqua juste le 3 coin de son biscuit. Nona poursuivit: - Mais vous l'avez vue, vraiment! Vous l'avez même peinte, toute entière et très argentée... - Quoi donc? - Ma... solitude. Je me regarde là, de dos, et vous savez ce que je ressens? - Non, dites-moi. - Je ressens tout ce désir que vous avez pour moi. C'est beau, c'est rassurant, c'est guérisseur. S'il fallait faire une exposition juste avec cette toile, ma galerie est à votre disposition, Madame Noble et Riche! Puis, en déposant sa tasse sur la table basse, Nona se leva d'un bond. La Comtesse sursauta. - Vous partez... déjà? L'oeil pétillant, Nona répondit: - Que nénni, je cherche le mini-bar! Votre thé est exquis, mais ça manque de folie ici! Je vous préviens, je reste dormir chez vous cette nuit. Et vous allez tout me raconter. Parce que je veux tout savoir. La Comtesse avala le dernier morceau de biscuit, se leva, fit 2-3 pas vers Nona, puis tendit sa main pour relever enfin cette fichue bretelle et pour caresser enfin cette mèche rebelle. - Ca fait des mois que j'ai envie de faire cela, dira-t-elle ensuite, avec un sourire étriqué. Nona se souleva sur la pointe des pieds, passa sa main autour de la taille de La Comtesse et approcha son visage du sien. Elle la regarda longuement, comme au ralenti, presque en train de loucher. Avant de lui rouler une pelle envahissante. Elle l'embrassait comme si elle avait soif. Comme si c'était le dernier baiser avant la fin du monde. La Comtesse eut le vertige. Et quand son ventre gargouilla d'émotion, Nona partit dans un éclat de rire contagieux. - Bon, j'ai soif, il est où, ce mini-bar? - Laissez, je vais commander du champagne. - Non, non, non... le champagne c'est trop bourgeois, attendez, je m'en occupe! Une fois le room service au bout du fil, Nona demanda des biscuits salés et tout le nécessaire pour faire des Bloody Mary. La Comtesse se racla la gorge discrètement. - Pour l'exposition, vous êtes d'accord alors? - Mais oui, je vous l'ai dit... - Vous ne voulez pas regarder d'abord les autres toiles? - Parce que vous en avez d'autres? mais montrez-moi alors! La Comtesse souleva alors le drap blanc, avant d'ajouter: - Prenez votre temps. Elles sont toutes là. Sur ce, le garçon d'étage toqua à la porte. La Comtesse lui ouvrit, il avança le chariot pour le placer à droite de la cheminée. Il se mit à préparer les cocktails. Sans tourner la tête vers lui, Nona lui cria: - Sois généreux avec la vodka. Une fois les cocktails préparés, il posa les deux verres sur le chariot et s'en alla discrètement. Nona avait étalé les toiles partout dans la pièce. Puis, elle monta sur la table basse, pour les regarder à la ronde. - Il y en a 10 au total! Et c'est moi sur chacune de ces toiles. - Depuis la mi-septembre, j'en ai peint une chaque dimanche, après mon déjeuner au restaurant. Là, où vous n'êtes jamais revenue. - Bah non je n'y suis pas revenue, puisque j'habite ici moi, à Bruxelles. Mais... vous m'avez retrouvée comment? - Euhh, André? Vous savez, le serveur. Il s'est discrètement renseigné à la réception. Et j'ai eu votre nom et votre email. - Mais quelle fouine, celui-là... Attendez, ils vous les ont donné comme ça? - Non, pas vraiment "comme ça"... j'ai dit que vous aviez égaré un document important, et que je devais vous le rendre. - Vous avez menti? - Euhh, pas tellement, juste un peu. - Comment ça, juste un peu? La Comtesse lui montra du regard un tout petit plateau argenté posé sur la commode. Dessus, il y avait un papier manuscrit, plié. D'un simple regard, Nona reconnut son écriture. - C'est vous qui l'aviez? Je pensais l'avoir perdu. Dire que Nona avait rougi de la tête aux pieds ce serait mentir. Elle avait rougi bien plus que ça! Troublée, Nona goûta le cocktail - Ah, qu'il est bon! hmm Ecoutez, vos toiles sont splendides. Et je ne le dis pas parce que c'est moi dessus. Elles le sont vraiment. C'est étonnant! Toujours la même femme, moi, de dos... et toujours le même désir, le vôtre. Chaque fois, dans d'autres couleurs et dans d'autres postures. C'est beau... J'aime, vraiment. (pause) J'ai trempé ma culotte en les regardant. Sur ces mots crus, Nona déposa son verre sur la cheminée puis s'approcha de La Comtesse, à qui elle tendit la main tendrement pour la relever du canapé. Raidie d'émotion, La Comtesse posa son regard plus loin, sur la toile de la cheminée. Argent vif, Nona souleva sa robe, prit la main de la Comtesse et la glissa dans sa culotte. - Caressez-moi, lui chuchota-t-elle ensuite dans le creux du cou. Et La Comtesse, traversée de part en part, par un frisson et un désir, apprivoisa du bout des doigts cette chatte chaude, toute trempée, dégoulinante, collante, ce bouton sailli de sa capuche de chair, et ces lèvres rasées à ras, en contraste, avec la glu visqueuse qui suintait. Elle ferma les yeux, pour mieux ressentir la pulsation des chairs désirantes sous ses doigts. Elle avait besoin d'entendre leur appel, pour être en mesure de leur offrir une délivrance. Frotter à peine, en avant, en arrière, faire des cercles doux, enveloppants, saisir entre l'index et le majeur la capuche protectrice du bouton, et la bercer d'amour, en petits mouvements à saccades, comme on agite une boule à neige, avant d'admirer sa féerie argentée. Laisser venir l'émoi. Et le sentir gonfler sous les doigts. Recommencer tendrement. Nona semblait chancelante sur ses jambes. La Comtesse passa alors une main ferme autour de sa taille pour la soutenir. Elle l'embrassa dans le cou aussi. La main dans la culotte continuait son ouvrage délicat pour frayer un chemin à la vague qui allait déferler tôt ou tard, pour s'échouer fatiguée dans sa paume, comme sur un rivage. La vulve entière s'abritait dans cette paume, confiante. S'y abandonnait même, sans crainte. Et là, debout, au plein milieu d'une suite hors de prix, dans un hôtel 5 étoiles à Bruxelles, par une nuit de décembre, illuminée de décorations scintillantes... deux femmes se rencontraient vraiment. Et s'aimaient, dans leur bulle à féerie argentée. *** Vous avez écouté Déferlante le podcast du désir.