"Dans le corps de Darius" Vous écoutez Déferlante, podcast agitateur... d'émotions. L'épisode de ce soir est le 3ème d'une très belle série de récits intimes, exclusivement consacrée au corps masculin, à ses ressentis, à ses craintes. A ses émotions. Je voulais en savoir plus sur le corps masculin, alors j'ai posé quelque questions, et des hommes m'ont courageusement confié leur histoire... Et dans "confier" il y a confiance. Alors, je tiens à remercier Darius, de m'avoir raconté son expérience. Coeur en colère, corps en bataille, peurs au ventre, et par-dessus tout... le courage de vivre et l'envie de bien faire. J'espère que ces récits intimes, sincères, parfois crus permettront aux femmes de mieux apprivoiser la partie cachée de l'iceberg des émotions masculines. Allons-y pour ce nouvel épisode. *** Pourquoi j'ai choisi le prénom Darius? Pour plusieurs raisons: d'abord, le côté impérial (donc un peu mégalo), ensuite la signification: Darius signifie « détenteur du bien » en perse. Darius c’est aussi un jeu d’arcade de 1986 dont la direction artistique me fascine, notamment la bande son de Hisayoshi Ogura. Depuis mon plus jeune age j’avais vite été classé dans la catégorie “en surpoids” puis dans l'obésité et enfin dans l’obésité massive. Mon corps et mon apparence ont toujours été un prétexte de discrimination. Enfant, j’ai été harcelé pour ça. Une fois arrivé à l’adolescence j’avais une opinion très négative de mon corps. De plus, le harcèlement n’a jamais vraiment cessé. La société est ouvertement grossophobe, par conséquent les ados le sont aussi. Au moment ou les camarades de classe se bécotaient dans les boums, moi j’étais le gage dans les jeux d’action ou vérité, “dis-nous un secret honteux sur toi, ou sinon, tu embrasses Darius”... Pendant des années, j'étais persuadé que je n’étais ni baisable, ni même aimable. Premiers bisous à 15 ans avec une fille dont j’étais super amoureux et qui à du littéralement m’expliquer en MAJUSCULES ET SOULIGNE qu’elle avait envie de m’embrasser, tellement j’étais incapable de voir que je pouvais plaire. Je n’ai pas eu de copine avant mes 23 ans, tant il m'a été compliqué de croire en mes capacités de séduction. Je n’ai pas de rapport particulier à la masturbation, mais... je l’ai beaucoup pratiquée après l’avoir découverte. Je n’avais pas de rapports sexuels, mais la sexualité m’intéressait d'autant plus. Assez jeune j’ai toujours eu l’esprit curieux et peut-être même un peu pervers pour ce qui concerne le cul. Je fantasmais beaucoup, je dessinais, je consommais de la pornographie, donc je me masturbais souvent. Mon corps aujourd'hui? A quoi ressemble-t-il? Après une opération de chirurgie bariatrique j’ai perdu 105 kg en espace de deux ans. Aujourd’hui j'ai un corps "normé" je crois, je suis passé de la taille de vêtements 7XL à la taille Medium. Par contre... à poil, j’ai la peau qui pend d’un peu partout alors j’envisage la chirurgie réparatrice. L’évolution est immense depuis deux ans, spectaculaire même. J’ai été gros, puis extrêmement gros pendant presque 40 ans de ma vie, et soudain, en un seul clin d’oeil me voici dans la norme. J’ai passé des années à accepter mon corps obèse, à devoir le défendre et le justifier, j’ai beaucoup milité contre la grossophobie et ça n’a pas été simple de me défaire de cette impression étrange de me trahir moi-même, en ayant perdu tout ce poids. J’avais fait des évaluation psy avant mon opération, on m’avait averti de l’ampleur de la reconstruction narcissique qui pouvait découler d’une telle intervention chirurgicale. Mais... je ne m’attendais pas à de tels dégâts psychologiques. Si physiquement je ne me suis jamais senti aussi bien dans mon corps, j’ai néanmoins sous-estimé mes traits hyper-sensibles, plutôt neuro-atypiques qui... combinés à une probable crise de la quarantaine font que finalement, je paie très cher ce changement sur le plan mental. J’ai par ailleurs découvert mes capacités athlétiques, des capacités que je n’avais jamais eues jusque la, et qui m’ont donné goût à l’activité physique et au sport. Des capacités athlétiques... qui désormais me servent aussi au lit. Même si j’ai l’impression d’avoir toujours eu des “performances” sexuelles assez correctes, ma transformation m’a donné des capacités de souplesse, de force et d’endurance (ah, le cardio!) qui m'étonnent moi même! J’ai la peau qui pendouille, mais je ne me suis jamais senti aussi confiant dans mon apparence, je prends maintenant plaisir à me voir dans un miroir et je peux enfin prendre plaisir à m’habiller comme je le souhaite, ce qui avait toujours été une grande frustration quand j’étais gros. Une autre transformation survenue après mon opération, c'est au niveau de mon sexe. Auparavant enfoui dans mon gras, j’avais un sexe que j’estimais juste à la taille moyenne. Mine de rien... ma perte de poids m’a fait gagner environ 6cm (oui, j’ai mesuré…) au point qu’aujourd’hui, je préfère utiliser les préservatifs “grande taille”. Honnêtement, je n’ai pas à me plaindre, je suis tout à fait satisfait de ma morphologie génitale.  En terme de signes distinctifs, disons que j’ai un sexe plutôt long, moyennement épais. J’ai commencé à m’épiler intégralement le sexe et les testicules il y a déjà un moment, d’abord par convention “libertine”, et depuis je continue, surtout parce que ça me plait. Je suis en général rasé ou au moins tondu court. Concernant les érections... c’est un autre sujet. Je suis un grand hyper-sensible, j’ai souvent du mal à gérer mes émotions et du coup à bander sur commande. Je suis un mec qui doit désirer et qui doit être à l’aise avec la personne en face pour bander, ce qui fait que je bande rarement au premier rendez-vous, dans des situations plutôt stressantes, ou même dans un contexte libertin où je ne me sens pas à l’aise ou en sécurité. Ca peut paraître étrange, vu que c’est moi qui ai amené le sujet du libertinage dans notre couple et qui l’ai proposé en premier, avant que cela devienne une décision commune. Mais à l’image de ma personne, cette envie de ma part est ambiguë. Je suis à la fois un grand pervers, un grand fantasmeur, et paradoxalement un névrosé sensible et rempli de peurs. Mais n’est ce pas là, la vraie définition du courage? Par contre, avec mon amoureuse, avec qui je suis en couple depuis bientôt 10 ans aucun problème d'érection. Il me suffit généralement de me coller contre elle pour avoir spontanément une incontrôlable érection dans les secondes qui suivent. Ma récente transformation reste la plus grande épreuve que mon corps ait pu traverser. Vous savez? mon corps et moi, on avait un pacte: je ne l'embêtais pas trop, il ne m'embêtait pas trop. Après l'opération, dans la salle de réveil, il y a eu directement la douleur et ce corps qui me disait: "- Hey mais qu’est ce que t’as foutu?!? C’est hyper violent là!" Se faire mal pour finalement se faire du bien. Mes troubles du comportement alimentaire m’avaient toujours servi de "mécanisme de compensation" et d’un coup « BIM » je n’avais plus cette sécurité. Plus aucun moyen d’avaler ma frustration, mon angoisse, mes peurs. Alors non, je n’ai pas développé d’autres dépendances pour compenser encore une fois, mais je me retrouve carrément à poil devant tout ça et je cherche encore comment y faire face. Pour cette raison, il y a un peu moins de deux mois, j’ai commencé un traitement avec des antidépresseurs. Et il me permet d’y voir plus clair, de me détacher de ma souffrance psychique et d’être un brin plus objectif face à mes problèmes. Face notamment à la possessivité, la jalousie due à un mécanisme de dépendance affective certainement, mais qui a toujours été là, en toute honnêteté. Et cela n’est pas sans me poser un terrible conflit intérieur: d'une part, mes convictions libertaires et pro-féministes et d'autre part, ces émotions sombres qu’on ne m’a jamais appris à gérer. Moi et mon corps, on apprend à se connaître, 40 ans sans se parler alors qu’on était tout le temps dans la même pièce. J’ai complètement changé de morphologie forcément, mais dans ma tête, j'ai encore du mal à dire quand je vois par exemple, un vêtement si je rentre dedans ou pas, tellement mes repères ne sont plus les mêmes. Mais je vais bien... Je m’aime beaucoup plus qu’avant et surtout j’habite enfin mon corps, lui que je considérais par le passé juste "le Uber de mon esprit". Que dire d'autre? Après le travail que j’ai fait pour ranger ma tête chez le psy, j’ai ressenti le besoin de trouver une thérapie du corps: alors, j’ai choisi la boxe. Des cours de Muay Thai. Un jour, je me suis pris une raclée et j’ai aimé ça! Après tout... quoi de mieux pour se situer dans l’espace et ressentir les limites de son enveloppe corporelle... que de se heurter physiquement au monde et de se prendre des coups? J’y vais, je paie, on me fait mal et j’y retourne une ou deux fois par semaine. Moi qui étais si sûr de ne pas aimer la douleur, je suis devenu maso ou quoi? Mais quel mérite y a-t-il a affronter le danger si on ne ressent pas la peur? S'il y a une chose que j’ai apprise sur moi avec les années et que je tiens pour ma plus grande force: c’est mon opiniâtreté. Si j’ai réussi à pousser la porte d’un club de boxe rempli d’hommes bien plus jeunes que moi et bien plus athlétiques sans avoir peur de leur regard, c’est justement grâce à cette idée que j’ai prise pour devise: "si l’on doit me juger, j’aimerais qu’on le fasse non pas au nombre de mes victoires, mais plutôt au nombre de fois où je suis tombé et, surtout, au nombre de fois où je me suis relevé". Alors, au jeune homme de 20 ans à la forme olympique, moi j’ai envie de dire : "- Mec, j’ai plus de 40 ans moi! J’ai perdu 100 kg et je suis là avec toi à faire des abdos, alors, qui de nous deux a le plus de courage?" Partant de là, j’essaie de vivre malgré mes peurs et mes insécurités. Sans jamais lâcher l’affaire, même se je dois me casser la gueule 100 fois avant d’y arriver. A vrai dire, je découvre tous les jours des choses sur moi, et sur mon corps. Ce corps que j'ai beaucoup négligé par le passé. Je devrais dire que le point de rupture s’est fait il y a environ 5 ans, quand mon amoureuse est tombée enceinte pour la première fois et que nous avons perdu cet enfant avant terme. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de mes émotions. D’un coup, une barrière s’est brisée et je me suis mis à "ressentir", ce que je n’avais jamais vraiment fait auparavant. C’est à cette époque-là que j’ai décidé de me faire opérer. Et puis, il faut bien se dire que dans le regard qu’un homme porte sur son corps il y a celui du père archétypal, celui qui crée la masculinité toxique. J’exècre la masculinité toxique! Ce regard qui juge en permanence et qui pousse les hommes à se mettre en concurrence et à se juger sur des critères de virilité mais... bidons! "Qui est le plus fort, qui pisse le plus loin, qui a la plus grosse bite, qui domine l’autre?" La sensibilité est considérée comme un défaut, une tare, et il devient normal et préférable d’enfouir ses émotions et d’arborer un masque stoïque et supérieur. La masculinité toxique assoit le patriarcat, asservit et intoxique les hommes et aussi, opprime les femmes.  Dans ce contexte, comment me sentir bien dans mon corps si à l’adolescence l’obésité me fait pousser des seins et des fesses au lieu d'avoir des gros muscles virils? Comment me sentir viril moi, qui suis déjà hypersensible, avec un père qui n’a jamais su assumer ses émotions? (car lui aussi, il a été élevé dans la masculinité toxique) Un père qui m’a souvent reproché d’être trop douillet, trop fragile, pas assez combatif. Aujourd’hui, tant bien que mal, je découvre le plaisir de se sentir bien dans son corps, d’en prendre soin et il me le rend bien. Alors, le sport oui... je pense reprendre. Je n’ai pas repris depuis un moment, à cause de mon état dépressif sévère. Enfin... quel serait mon conseil pour les jeunes? il y a mille manières de donner du plaisir à son partenaire, à sa partenaire autrement qu’avec son sexe et la pénétration, donc... même si vous doutez de vos capacités de taille, de performance, de charme ou que sais-je? Soyez juste imaginatif et à l’écoute de l’autre. C’est avant tout comme ça qu’on fait bien l’amour, j’ai l’impression. *** Vous avez écouté Déferlante, le podcast érotique qui vous met à nu.