Liste des mots-obligés, placés dans cet épisode: festival < Rémy anfractuosités (cavités profondes et irrégulières, se dit de côtes rocheuses) < Zb Fkh ébaubie (ébahie, abasourdie, ahurie, éberluée, époustouflée, étonnée, interdite) < Nona mélopée (musique assez monotone et triste) < Arkraxx *** Vous écoutez Déferlante, podcast provocateur... de plaisir. Dans l'épisode de ce soir, 4 mots-obligés sont venus se glisser dans le récit, comme on se glisse sous la couette, contre un corps chaud, endormi. Alors, merci de tout coeur à Rémy, à Z(e)b et de nouveau? à la belle Nona et à Arkraxx, pour leurs défis coquins, qui pimentent délicieusement le processus créatif. Bon, allons-y pour ce nouvel épisode. *** "Les choses n'ont jamais que l'importance qu'on veut bien leur accorder", disait un jour, un sage. Pensez à la pince à linge, un si petit objet. Tellement insignifiant. Un objet pratique, banal, sans grandes vertus, sauf si... vous lui accordez une autre utilité. Des pinces, elle en avait plusieurs. D'abord, celles en bois, plus petites. Leur ressort était plus assoupli, mais elles serraient bien. leur contact était doux, il y avait un côté nature, naturel. Elle les utilisaient à même les tétons. Une fois, elle avait essayé avec un t-shirt, mais le resserrement n'était pas pareil, à travers le coton, la pince bâclait son oeuvre. Quelque chose était de trop. Quelque chose empêchait la sensation, la filtrait. L'atténuait aussi. Elle prenait son temps, avant de les accrocher. prendre le sein en main, le serrer un peu pour le gonfler bien, faire ressortir le téton, comme pour le mettre dans la bouche d'un bébé. De l'autre main, ouvrir la pince. l'approcher en regardant bien sa gueule grand ouverte. Anticiper la sensation, la petite brûlure. Le frisson. La mini douleur qui s'installe trop vite, comme un coup de fouet... de la vie. Cette petite douleur, que le cerveau doit apprivoiser, lentement mais sûrement, Avant de la transformer en simple gêne avec juste des pointes de chaleur, un durcissement, un gonflement visible à l'oeil nu, et une sensation irréelle de trop plein, de lourd, de rond et de vivant. Respirer calmement, souffler, laisser faire. Prendre en main la deuxième pince en bois, soeur jumelle de la première. Recommencer le même rituel. D'abord le sein tendrement serré dans la paume, et la décharge presque électrique, en guise d'anticipation. Ensuite la gueule de bois qui se referme réellement, sur cette peau fripée, sombre, sensible. A nouveau, respirer calmement, attendre que l'alerte envoyée à son cerveau se calme au son des battements du coeur, pour devenir un déjà-vu, un déjà-éprouvé avec acuité Respirer, souffler, laisser faire.. Après un moment, la douleur est moindre comme anesthésiée, Une tension prend sa place. Bouger devient une épreuve. La peau tire, les pinces mordent la chair. La chaleur augmente avec le gonflement. La fine peau déborde, mâchouillée dans la gueule des pinces. Alors, s'allonger sur le lit au ralenti, et écarter les cuisses bien grand. Chercher du regard la pince orange, sagement posée sur le lit, ) portée de main. C'est la meilleure. La sous-peser longuement du regard. Elle est plus grande, elle est en plastique, son ressort est plus ample, et quand elle mord, elle le fait davantage et elle claque bien. Si on passe son doigt entre les extrémités ouvertes, on sent bien les striures mordantes, on dirait des anfractuosités sculptées dans les mâchoires en plastique, comme de petites dents ordonnées, prêtes à s'emboîter pour bien accrocher la muqueuse humide et glissante du clitoris. Pour mordre dedans un bon coup, sans que la peau ne puisse se dérober. Tenir cette pince en main est déjà suffisant pour que le bas ventre s'affole, dévale la pente savonneuse de l'anticipation. Suffisant pour sentir le chaud et l'humide se frayer un chemin des profondeurs chaudes du vagin, glisser vers la sortie et dégouliner d'avance. Comme pour vérifier son ressenti, elle passe alors le bout des doigts contre l'entrée du vagin, juste à la surface... ses doigts font des ronds et des rondes pour étaler le débordement onctueux. A la rencontre de son clitoris, les doigts ne provoquaient pas de trouble. Juste la conscience d'un contact. peau fine contre muqueuse lisse. Et une glissade entre les deux. une tentative de contact rapproché. Mais échouée. Avez-vous déjà caressé votre propre main mais gantée? Imaginez un peu: vous caressez certes une peau fine, mais elle n'est pas la vôtre. Pourtant, la caresse de votre main, vous la sentez bien. Le gant que vous caressez, est une peau fine et douce, réchauffée par la chaleur venant de votre main à l'intérieur du gant. Sauf qu'en fait, vous caressez la peau d'un animal depuis longtemps mort. Son clitoris, pareil. (pause) L'espoir meurt en dernier, dit le proverbe. Ses doigts font une nouvelle approche par encerclement, par frottement subtil, mais encore et toujours la même déception: sentir l'effleurement des doigts, constater le gonflement palpable du bouton mais aussi l'absence de sensations, Cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Rester ainsi, encore un moment. Allongée, nue sur le lit. Vêtue juste de ses pinces. Calmer sa respiration pour ralentir ses battements de coeur. caresser à peine la cicatrice de sa césarienne. Horizontale, discrète, à la naissance des poils pubiens. Comme un sourire à la barbe du danger, qui avait mis brièvement son bébé en péril, et qu'il aura fallu sortir du ventre, vite fait. Bistouri stérile et tranchant, tout le monde est prêt, entailler la peau, trancher dans les chairs, couche après couche, aller chercher le trésor, le faire sortir sain et sauf, le mettre tout beau, tout propre sur la poitrine de sa mère, passer l'aspirateur, nettoyer l'intérieur, jeter les déchets, recoudre gentiment le tout et ajouter: - Félicitation, très beau bébé, vous aurez une petite cicatrice, en bikini, on ne la verra même pas. - Merci docteur. Vraiment, merci de tout coeur. Et avoir envie d'ajouter, bien des années plus tard: Vous m'avez donné un beau bébé, mais vous m'avez pris toute ma sensibilité. On n'a rien sans rien, hein! Le corps est là, entier, fonctionnel, la mécanique semble obéir aux commandes, mais dedans, dans les entrailles, le haut fait sécession du bas. Comme s'ils parlaient deux langues différentes de part et d'autre de la frontière établie par la cicatrice. Dans le temps, les césariennes étaient verticales, en partant du pubis vers le nombril. On pratiquait une ouverture qui ne tranchait pas le reste. Une cicatrice qui racontait une histoire aussi, en dépassant du bikini. Désormais, la césarienne est devenue un secret que l'on cache aux regards, et à soi-même aussi, ni vu, ni connu. Après ses épilations maillot intégral, pendant quelque jours, elle pouvait la regarder. Admirer cette fine ligne blanche, à peine visible, pas de traces de points de suture, le fil avait fondu dans la peau, s'était dissout dans la chair, joliment, et sans laisser de marques. D'ailleurs, elle s'en souvenait comme si c'était hier... Son fils était né le matin, vers 10h et le lendemain après-midi, elle marchait déjà dans les couloirs de la maternité, tel un lion en cage, elle voulait rentrer chez elle. Même pas mal. Enfin, c'était il y a longtemps tout ça. Sous peu, la pince orange viendra chambouler le tout, elle viendra mordre sans états d'âme, et prendre son dû de chair avant de ramener brièvement ce clitoris à la vie. En la prenant en main, elle se rendit compte que sa main était déjà moite. Il fallait la mettre en place vite, d'un coup, sans hésiter. La main gauche sait ce qu'elle doit faire. A l'aveugle, écarter doucement les grandes lèvres, faire en sorte que le bouton reste entièrement enveloppé dans sa capuche de peau, prêt à être agrippé. Fermer les yeux, ouvrir grand la gueule de la pince, et la refermer sans hésitation sur la promesse cachée dans cette capuche. A force d'avoir retenu son souflle, quand la pince fut posée, quand le ressort se resserra par vocation, l'air ressortit enfin de sa cage thoracique avec un sifflement aigu. Résister à l'envie d'enlever la grosse pince. Encaisser la 1re vague de sensations qui claque! Et qui la traverse en éclair, de la tête aux pieds. Enfin entière. Les yeux fermés, elle voyait presque le sang circuler dans ses veines, affluer, en vagues autour de ses auréoles prisonnières, dévaler vers le ventre, vers le bas-ventre, gonfler la muqueuse de la vulve, la rendre plus huileuse encore dans l'espoir de se dérober, de desserrer cette mécanique orange. En vain. Vous connaissez sûrement ce geste banal: deux doigts posés en travers du poignet pour prendre le pouls... Elle posa deux doigts en travers de l'aine, côté droit. Il y avait là une petite surface de peau avec une veine qui mesurait le vivant en elle. Un tressaillement à peine. Une cadence subtile. Une mélopée rythmée. Alors, elle se mit à compter. Calmement, les 60 battements, les pulsations de vie dont elle avait besoin. Avant d'enlever les pinces. Arrivée à 45, sa main gauche se tenait prête à libérer les seins de l'étreinte en bois. A 55, sa main droite quitta la veine pour se placer au dessus du clitoris, en effleurant à peine la grosse pince. 60! sensation de sparadrap qu'on arrache d'un coup, un tremblement avec des secousses en cascades, poitrine et sexe. Et là, en quelque secondes à peine, la vie débordante enfin, sans entraves. Un festival de fourmillements chatoyants, de pulsations à répétition, de battements sourds répercutés en écho, jusque dans les oreilles, des picotements dans les chevilles, un tam-tam dans le cerveau et une déferlante inlassable, visqueuse grandissante... venue de l'intérieur pour déverser des sensations brutes, et de la chaleur bienfaisante, Imaginez les flots qui se déversent sur la plaine, sans obstacles, une fois que l'écluse a lâché. Elle était enfin remplie de l'intérieur, ahurie même par la vie retrouvée. Elle resta là, les yeux clos, un long moment. On ne se relève pas si facilement d'un corps vivant. (pause) Assis dans le fauteuil, il était ébaubi. Désirant. Sa bouche semblait sèche. L'écoulement lui donnait soif. Sans s'en rendre compte, il caressait en boucle, du bout des doigts le velours de l'accoudoir. Et il pensait... Jamais fragilité n'avait été plus belle et désirable. Il soupira discrètement, avant de demander à haute voix, un peu rauque: - Je peux venir à tes côtés? *** Vous avez écouté Déferlante, le podcast... du désir.