"Dans le corps de Kean" Vous écoutez Déferlante, podcast agitateur... d'émotions. L'épisode de ce soir est le 12ème de la très belle série de récits intimes, exclusivement consacrée au corps masculin, à ses ressentis, à ses craintes. A ses émotions. Je voulais en savoir plus sur le corps masculin, alors j'ai posé quelque questions, et des hommes m'ont courageusement confié leur histoire... Et dans "confier" il y a confiance. Alors, je tiens à remercier Jean pour sa façon de voir le verre à moitié plein. Pour cette belle gratitude envers son corps d'homme et envers la vie. J'espère que ces récits intimes, sincères, parfois crus permettront aux femmes de mieux apprivoiser la partie cachée de l'iceberg des émotions masculines. Allons-y pour ce nouvel épisode. *** J’ai toujours été plus grand que la moyenne, et je suis de plus en plus musclé, surtout les épaules. Les jambes sont plutôt fines, pas de gras. Je suis entre « athlétique » et « normal ». Pour 33 ans, je dirais que je m’en sors plutôt bien. Quand je pense à l’aspect esthétique, vu de l'extérieur, je pense que j’ai une silhouette fine et plutôt attrayante pour la moitié des femmes. Mais je crois que mon visage a des traits un peu marqués: les paupières tombantes, la bouche qui boude, du psoriasis dans la barbe et les sourcils. Je n'en fais pas vraiment un complexe, mais bon, disons que ça va dans le mauvais sens. Plus jeune (pré-ado jusqu’à jeune adulte), j’étais comme tout le monde: complexé! Par quoi? Par mes dents du bonheur, par un sexe petit (enfin, je le croyais), un mono-sourcil (que j’épile légèrement maintenant), un peu d’acné et ma maladresse devant les filles. Une gêne visible dans mon maintien, ma conversation, une gêne qui se nourrissait d'elle-même, en fait. Progressivement, ces choses se sont estompées, notamment avec un déniaisage plutôt tardif, à mes 22 ans. Vous savez? j’aime mon corps, pour plusieurs raisons: J’aime qu’il soit résistant à l’effort (en randonnée par exemple), et j'aime qu’il puisse dégager beaucoup d’énergie d’un coup (dans un bras de fer), j’ai une image de mon corps, de ce point de vue qui peut être surévaluée par rapport à d’autres hommes ou par rapport à des obstacles. Ce n’est pas vraiment du déni, mais plutôt le fait que je lui fais très confiance. Je pense que ça vient de ce que petit, j’étais déjà grand, calme, et discret, et que personne ne m’a jamais emmerdé (sauf Hugo en maternelle, qui m’a donné un coup de pied dans les couilles à la récré et depuis, il est mon ennemi juré). Je suis très content de mon corps parce qu’il n’est pas malade, rien de chronique, pas de blessure qui fasse souffrir. J’avais un début de scoliose, mais ça s’est calmé à l’âge adulte, j’ai une épaule un peu plus faible que l’autre après un trauma à l’escalade qui n'a pas été bien guéri, mais à part ça... il est juste parfait. J’ai un bon système immunitaire et je prends même plaisir à guérir d’une grosse grippe. L’autre jour, j’ai fait du "floating", dans un caisson d’isolation sensorielle. Et en me connectant à mes sensations j’ai ressenti beaucoup de bonheur et de gratitude envers mon corps. La fois d’après, j’ai même eu une érection dans le caisson par le simple plaisir de... respirer, un plaisir qui circulait et s’accumulait comme une boule dans mon ventre. Bref, je lui fais confiance, sans l’entretenir particulièrement. Aussi... j’aime mon corps parce qu’il me donne du plaisir sexuel. Je le connais de mieux en mieux et c’est vraiment agréable d’avoir cette ressource. Avec la masturbation du pénis bien sûr, ce qui est très pratique, c'est comme une manette à tirer simplement pour jouir, ou pour faire fleurir le plaisir... notamment avec les orgasmes à paliers, les « orgasmes tantriques ». J’ai aussi découvert le plaisir puis l’orgasme anal à l’adolescence, ce qui fut une source de trouble et de honte modérés. Enfin il y a quelques années l’orgasme par hypnose érotique, cela m’a surpris (sans les mains ??). Tout cela est bien agréable et contribue à me faire me sentir bien dans mon corps. Depuis un peu plus de deux ans environ, j’ai découvert que mon corps pouvait être objet de désir. Il pouvait exciter la femme que j’aime, ce dont je n’avais jamais pris conscience auparavant, jamais été dragué ni complimenté, par une femme de mon âge, j'entends. Désormais, on a une relation où le jeu sexuel peut aller jusqu’à l’objectivation de mon corps, de la même façon dont le corps féminin peut être parfois l’objet du désir de l’homme. J’aime bien qu’elle m’indique ce qu’elle désire (ma taille fine, mes épaules, mon torse) et ce qu’elle aime moins (mes cheveux qui se clairsèment), ce qu’il faut améliorer (raser tout le torse,le sexe, les fesses, faire du sport pour avoir de gros pecs, des fesses plus hautes). Si je pouvais changer quelque chose? ce serait probablement un meilleur contrôle de l’orgasme pénien. Je sais que c’est rare d’induire un orgasme chez la femme par stimulation vaginale seule, mais si j’avais un bouton pour mettre la montée de mon orgasme en pause, on pourrait faire monter le sien à son rythme, et jouir ensemble l’un dans l’autre, facilement. Mais pas besoin de baguette magique, je n’ai pas fini d’apprendre à connaître mon corps, tout seul et aussi avec elle. J’ai aussi le projet d’apprendre à parler, à poser ma voix et à me faire mieux entendre. On me reproche de parler pas assez fort, de manière indistincte, conséquence de ma timidité. Or, la voix est très liée au corps et à son attrait, et mon rapport à mon corps s'en trouverait je pense enrichi de cette meilleure maîtrise de ma voix. Alors, ma verge? au repos, ma verge c’est une sorte de doigt un peu fripé, sans os, sans ongle, avec une espèce de jabot. Elle n’est pas très belle objectivement, au niveau des abats chez le boucher? J’imagine qu’on peut la trouver mignonne, pour son potentiel, ou alors, mignonne comme un petit chien affreux, trouvé dans la rue. En érection je l’ai longtemps trouvée trop petite étant ado, avec 16 centimètres, mais ma chérie la trouve de taille honorable et plus épaisse que la moyenne. J’ai beaucoup aimé explorer avec elle les rapports sans pénétration (elle frottant sa vulve par-dessus, par exemple), et les pénétrations sans érection (qu’elle garde mon pénis en elle même débandé, ou alors continuer à lui donner du plaisir en levrette avec une demi-érection, après avoir joui). Sur une note un peu différente, c’est aussi vraiment libérateur d’avoir un "vocabulaire sexuel" plus étendu que celui de la verge. On s’est un peu rencontrés autour de ça. La langue, les doigts, la peau, les tétons, la pénétration sur moi, ça remet en perspective l’importance du pénis et ça « décharge » cet organe de cette mission presque impossible: celle d’être le canal privilégié, voire unique, de la jouissance. Je suis même meilleur amant pénien depuis. Il est clair que l’homme a pour prérogative de bander au bon moment, au risque de heurter son image et de décevoir, voire de blesser l’autre, tant est que... la verge en érection est synonyme, que dis-je? symbole du désir, tout comme l’éjaculation est le symbole du "jouir". Évidemment, ce n’est pas tout à fait le cas et quand je ne bande pas, j’essaye de prendre ça par l’humour, de dédramatiser et de voir mon sexe comme mû par un agenda propre, pour ne pas m’en vouloir. Je pense que c’est un des avantages, et même des sens, de la déconstruction: se sentir moins sujet à des réactions attendues. Sans cette attente de l’infaillibilité, paradoxalement, l’homme s’autorise à être moins perméable à ces images. Alors, ma timidité. Elle se traduit aussi dans mon corps par une posture légèrement voûtée, un langage corporel plutôt fermé et gauche, une voix qu'on n'entend plus au-delà de 3 personnes, et le regard qui cherche la sortie. Avec le temps, tout ceci s'est amélioré. J'ai en partie réussi à faire une vertu de cette parole rare, je choisis plutôt les tête-à-tête et les amitiés profondes, mais si je suis à l'aise dans mon corps en général, je suis mal à l'aise dans mon corps dans un certain nombre de situations sociales. En compagnie exclusivement mâle, je n'ai pas ce problème, je ne sens pas de regards posés sur moi, pas de pression et sans faire le fanfaron, je suis une présence discrète, une petite place d'où je ne sens pas de péril. En compagnie féminine pas trop de problème non plus (pas de problématique de séduction). Mais en compagnie mixte, c'est différent, j'ai peur de blesser par ma gaucherie, d'être jugé comme étant moins sympathique, peut-être menaçant les femmes par ma taille, par mes expressions empêtrées et ma fermeture. Je m'explique, il y a deux choses : d'abord, j'avais peur que ma gaucherie blesse, de n'être pas à la hauteur de cette image de virilité active, et de ne pas savoir me diriger devant la soi-disant "passivité" d'une fille, ses attentes que j'ignorais, les non-dits, par manque d'empathie, ou de compréhension fine de ses signaux. Une peur de blesser parce que je ne maîtrisais pas ce que je devais faire devant la supposée fragilité féminine. Et d'autre part, j'ai eu un complexe d'infériorité dans le jeu de l'être-en-société, le jeu de la séduction aussi, un peu envieux de voir d'autres hommes être préférés à moi. Et ces deux choses m'ont sans doute poussé à chercher à développer avec les femmes des qualités moins mises en avant par la virilité monolithique. (dont je ne renie pas certains privilèges, comme celui de ne pas rendre de comptes, la liberté d'être audacieux, de paraître fort quand je veux) Mais, une qualité d'écoute, de remise en question, de patience, de douceur, et des pratiques du corps (sexuelles aussi) qui me mettent parfois en position de vulnérabilité. Progressivement, je me suis construit, et mon désir s'est nourri, d'un éloignement de la paire traditionnelle-classique: l'homme sûr de lui et la femme fragile. J'ai cherché plutôt ce qui me manquait: un charisme dans la prise d'initiative, une assurance dans le désir, qui pouvait me garantir d'un échec (j'avais peur de blesser ma partenaire ou de rater complètement la séduction). Et un jour, j'ai reconnu ces qualités chez celles qui se revendiquaient "dominantes". Ainsi, progressivement, à partir de ma vingtaine, j'ai plus spécifiquement recherché des partenaires à l'aise dans cet imaginaire. *** Vous avez écouté Déferlante, le podcast érotique qui vous met à nu.